La consommation sexualisée, c’est quoi?
La consommation sexualisée, c’est la prise intentionnelle de substances psychoactives avant ou pendant des activités sexuelles dans le but d’en prolonger la durée, de diversifier ses pratiques ou encore d’améliorer son expérience et ses performances. Les substances utilisées peuvent être variées : alcool, cannabis, cocaïne…
La notion d’intention est importante. En effet, on parle de consommation sexualisée lorsque, par exemple, une personne consomme de l’alcool pour atteindre l’état d’ivresse désiré pour entreprendre une activité sexuelle. Cette situation est différente de celle d’une personne qui, par exemple, consomme de l’alcool en compagnie d’amis dans un bar, rencontre une autre personne et entreprend des activités sexuelles avec elle. Dans ces deux situations, le rapport sexuel se déroule sous l’influence de l’alcool. Toutefois, l’intention initiale n’est pas la même.
La consommation de substances psychoactives à des fins sexuelles a plusieurs objectifs :
- se désinhiber,
- augmenter sa confiance,
- réduire l’anxiété liée à son image corporelle,
- augmenter sa libido,
- augmenter son endurance,
- etc.
Consommer des substances peut ainsi permettre à certaines personnes d’obtenir les rapports sexuels qu’ils souhaitent obtenir en s’émancipant notamment des différentes pressions sociales liées à la sexualité, par exemple le culte de la performance ou du « corps parfait ». Pressions qui, par ailleurs, sont plus fortes au sein de certaines communautés que d’autres.
Une surreprésentation des hommes gais et bisexuels
« Les hommes gais et bisexuels consomment davantage de drogues que leurs pairs hétérosexuels. » C’est ce qu’affirme l’article Trajectoires addictives et vécu homosexuel publié en 2018 dans Drogues, santé et société par les chercheurs Jorge Flores-Aranda de l’Institut universitaire sur les dépendances et Karine Bertrand et Élise Roy de l’Université de Sherbrooke. Plusieurs motifs peuvent en effet favoriser la consommation de substances psychoactives chez les minorités sexuelles, notamment :
- les difficultés liées à l’acceptation de l’orientation sexuelle
- la stigmatisation sociale vécue par les minorités sexuelles
Ces caractéristiques propres aux minorités sexuelles peuvent aussi les pousser à trouver refuge au sein de la communauté gaie où, selon cette étude toujours, « certains espaces de socialisation sexualisés tels que les saunas et des événements festifs ont été décrits [par les participants] comme propices à la consommation et à la découverte de nouvelles substances. » (p.39)
La volonté d’explorer, la découverte de soi, la stigmatisation de la société, la construction de cercles sociaux fondés sur la consommation et l’accès facilité aux substances sont autant de raisons qui peuvent ainsi favoriser la consommation sexualisée chez les hommes gais et bisexuels.
Le chemsex : une forme de consommation sexualisée
Le terme chemsex a été construit à partir des mots « chemical » (substances chimiques) et « sex » (sexe). Le chemsex a été conceptualisé autour des années 2010 par l’activiste et travailleur social britannique David Stuart, qui en propose la définition suivante :
« Chemsex est un terme qui décrit un phénomène culturel lié à la communauté gaie, aussi appelé Party ‘n’ Play (PnP) ou High & Horny (H&H) […] Le chemsex est l’utilisation de toute combinaison de substances incluant le crystal meth, le méphédrone ou le GHB/GBL, spécifiquement dans l’intention d’entreprendre des relations sexuelles gaies. »
Selon David Stuart, le chemsex est un phénomène exclusif à la culture gaie en raison de différents facteurs qui lui sont propres. Il explique que le plaisir lié à la sexualité a été, dans la communauté gaie, particulièrement détérioré notamment par :
- le traumatisme et la stigmatisation liés à la crise du VIH/SIDA
- les comportements sociétaux, culturels et religieux qui ont contribué au rejet, voire au dégoût de la sexualité gaie
- une culture du rejet spécifique à la communauté gaie exacerbée par l’apparition d’applications de rencontres misant sur le « marketing » de soi à travers différents critères d’appartenance à un sous-groupe, de perfection du corps, d’origine ethnique ou encore de performance sexuelle
- l’association systématique du risque lié à la sexualité gaie
L’ensemble de ces facteurs peuvent ainsi contribuer à l’expérience du chemsex. La consommation de substance répondant alors à un besoin de vivre une sexualité plus libre, débarrassée des facteurs inhibiteurs cités ci-dessus. Au-delà du chemsex, ces facteurs peuvent aussi favoriser la consommation sexualisée telle que décrite précédemment.