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« Lendemain de veille » : que se passe-t-il dans votre corps?

« Lendemain de veille », « gueule de bois » ou encore « veisalgie » : quel que soit le nom qu’on lui donne, le phénomène observé le lendemain d’un abus d’alcool et les symptômes qui l’accompagnent sont bien connus, tant par les buveurs occasionnels que les personnes dépendantes. Si les effets du lendemain de veille n’ont de secret que pour peu de personnes, les causes, elles, en réservent bien davantage : des fausses croyances aux vraies recherches scientifiques, voici ce qu’il faut savoir.

La veisalgie : définition

Si les termes les plus couramment utilisés restent « lendemain de veille » et « gueule de bois », ce phénomène a malgré tout un nom scientifique : la veisalgie. Ce terme tient son origine du norvégien kveis, qui signifie « inconfort succédant à la débauche » et du grec algia, qui signifie « douleur ».

Symptômes

Les symptômes liés au lendemain de veille sont variés et dépendent de nombreux facteurs tels que la quantité absorbée, la vitesse de consommation, l’âge et le sexe de la personne, etc. Parmi ces symptômes, on retrouve :

  • une fatigue intense,
  • des maux de tête,
  • une sensation de grande soif,
  • une difficulté à se concentrer,
  • des troubles gastro-intestinaux,
  • des nausées,
  • une forte sensibilité à la lumière et au son,
  • des troubles de la mémoire,
  • des palpitations, tremblements, sueurs,
  • un sentiment de détresse, d’anxiété,
  • etc.

Le pic des symptômes de gueule de bois est atteint environ 12 à 14h après l’excès de consommation, c’est-à-dire au moment où l’alcool a presqu’entièrement été éliminé par le corps.

 

Des facteurs multiples… et encore mal compris

Malgré l’omniprésence de l’alcool dans certaines cultures, et ce depuis de nombreux siècles, les études scientifiques sur le phénomène de gueule de bois sont encore très récentes. Si la recherche s’est intensifiée ces dernières années, certains mystères restent encore à éclaircir. Toutefois, certains facteurs ont pu être identifiés et leur rôle clarifié. Une chose est sûre : aucun d’eux ne peut expliquer à lui seul la gueule de bois.

La déshydratation

L’alcool possède des propriétés diurétiques : c’est-à-dire que c’est une substance qui pousse à uriner régulièrement et cause ainsi la déshydratation du corps. La déshydratation crée notamment un déséquilibre des niveaux d’électrolytes dans le sang : des substances dont le corps a besoin pour assurer de nombreuses fonctions. Mais la concentration d’électrolytes semble avoir peu d’effets sur la sévérité de la gueule de bois. La déshydratation ne peut donc pas expliquer à elle seule le phénomène.

La qualité du sommeil

Après quelques verres de trop, il peut arriver de s’endormir très vite et… peut-être même n’importe où. Si l’abus d’alcool finit par créer une forte somnolence jusqu’à l’endormissement parfois soudain, la qualité du sommeil qui en découle est fortement affectée par l’alcool. Le sommeil est alors moins profond et interrompu par plus de phases de réveil, qui durent plus longtemps. Ce mauvais sommeil contribue ainsi à la fatigue et au manque de coordination et de concentration ressentis lors du lendemain de veille.

La nature de l’alcool

L’alcool se compose entre autres de congénères. Les congénères sont des substances issues de la fermentation alcoolique, que l’on retrouve en plus grande quantité dans les alcools bruns (whisky, vin rouge…) que dans les alcools blancs (vodka, gin…). Parmi les nombreuses études sur le lendemain de veille, plusieurs se sont concentrées sur cette substance et ont montré que la gueule de bois pouvait être plus sévère lorsqu’on ingère des alcools plus concentrés en congénères.

L’hypoglycémie

La consommation d’alcool provoque une chute du taux de glucose dans le sang, liée à la déshydratation. Cet état d’hypoglycémie pourrait provoquer les symptômes de la gueule de bois. Toutefois, si le manque de glucose était le principal problème, un apport en glucose devrait être la solution. Ce qui n’est pas le cas, ont montré plusieurs études.

L’intoxication

Lorsque l’alcool est ingéré, il est progressivement décomposé par le foie, qui le transforme en une substance appelée acétaldéhyde. Cette substance est toxique et a fait l’objet d’études afin de déterminer si l’intoxication causée était responsable des symptômes de gueule de bois. Ces études ont montré que cette substance est efficacement éliminée par le corps, au point qu’il n’en reste presque plus rien le lendemain. Elle ne peut donc pas être seule responsable de l’état de gueule de bois.

Ces différents facteurs sont des exemples parmi de nombreuses pistes actuellement explorées par la recherche scientifique telles que la génétique ou encore l’immunité.

À savoir

Environ 25 % de la population affirme ne jamais souffrir de gueule de bois. Actuellement, ce phénomène reste inexpliqué, mais demeure intéressant et ouvre la voie à d’autres recherches portant notamment sur des facteurs génétiques.

Y a-t-il un remède à la gueule de bois?

Du remède de grand-mère à la dernière pilule miracle : tout a été dit sur la meilleure façon de soigner une gueule de bois. Mais qu’en est-il réellement? Voici un petit tour des différents « remèdes » qui pourront aider… ou non.

Le repas copieux

« Il ne faut jamais boire l’estomac vide! » : un conseil souvent répété et présenté comme l’un des secrets pour se sentir bien le lendemain. À juste titre? Il est vrai que la consommation de nourriture, avant ou pendant la consommation d’alcool, a pour effet de ralentir l’absorption de l’alcool par le corps : ralentir, pas empêcher! Là encore, le simple fait de bien manger ne permettra pas de se sauver d’un lendemain désagréable. De plus, le fait de « bien manger » peut entrainer un faux sentiment de protection contre les effets de l’alcool, qui incite alors à boire davantage.

L’eau, l’eau, l’eau…

« Un verre d’alcool, un verre d’eau, un verre d’alcool, un verre d’eau : tu verras, tu seras en pleine forme demain! » Il est vrai que boire de l’eau pendant la soirée permet de ralentir légèrement l’absorption de l’alcool par le corps tout en s’hydratant. Mais tel qu’expliqué plus haut, la déshydratation causée par l’alcool n’est pas la seule responsable de la gueule de bois. La stratégie d’alterner un verre d’alcool puis un verre d’eau permet surtout de forcer la personne à ralentir sa consommation et, finalement, boire moins. En ce sens, elle peut être efficace. Mais boire 1 litre d’eau au coucher ou au réveil ne suffira pas à prévenir ou supprimer les effets du lendemain de veille…

Les médicaments

La prise de médicaments tels que l’ibuprofène ou l’acétaminophène, au coucher ou au réveil, peut atténuer certains symptômes tels que le mal de tête. Mais attention : l’un et l’autres peuvent aussi avoir leurs inconvénients. Dans certains cas, ils peuvent même être dangereux. L’ibuprofène peut en effet aggraver l’effet irritant de l’alcool sur l’estomac. L’acétaminophène, quant à lui, est fortement déconseillé pour les personnes dépendantes à l’alcool ou souffrant de troubles hépatiques. Dans ces cas, l’acétaminophène peut augmenter le risque de toxicité pour le foie, et peut donc aggraver le problème, voire créer des lésions.

Les remèdes « miracles »

Le marché du remède contre la gueule de bois est très lucratif. Ces dernières années, de nombreuses marques ont vu le jour, offrant le remède miracle contre les lendemains difficiles : pilule, infusion, boisson… Et bien sûr, ces remèdes se vendent à prix d’or. Toutefois, à ce jour, aucun n’a pu réellement prouver son efficacité pour traiter la gueule de bois. Le faux sentiment de protection qu’ils créent peut même pousser la personne à consommer davantage d’alcool, sans crainte d’en payer le prix fort le lendemain!

Le temps… et la modération

Voilà un remède efficace et gratuit, mais sur lequel nous n’avons pas de contrôle : le temps. Le seul remède efficace au lendemain de veille reste en effet de faire preuve de patience et de se laisser le temps de retrouver un état normal.

Côté prévention, boire modérément ou… ne pas boire restent encore les seules solutions pour éviter des lendemains difficiles!

Les impacts du lendemain de veille… sur l’économie

Au-delà des désagréments individuels vécus par les personnes en lendemain de veille, le phénomène a également des conséquences sur l’économie du pays. Ainsi, en 2002, on estimait que la perte de productivité liée à la consommation d’alcool avait coûté… 7,1 milliards de dollars au Canada!

Si l’on ajoute les coûts liés aux soins de santé, à l’application de la loi, aux accidents de la route, à la prévention et la recherche et autres dommages collatéraux, le montant total s’élevait à 14,6 milliards de dollars.

Nous pouvons vous aider 

Pour les personnes en situation de dépendance, les lendemains de veille peuvent avoir un impact majeur sur la vie quotidienne : problèmes familiaux, professionnels, de santé physique et mentale… Si tel est votre cas, ne restez pas seul avec vos préoccupations : appelez-nous au 1-800-265-2626 ou utilisez le clavardage en bas à droite sur notre site. Nous pourrons vous offrir du soutien et de l’information personnalisés et vous référer vers des ressources adaptées à votre situation. Nos services sont accessibles 24h/24, 7 jours sur 7, confidentiels et gratuits. 

 

Par Alexandre Haslin


Sources: Mayo Clinic, Agence Science Presse, Métabolisme de l’alcool, Dr Roger Nordmann, Alcohol Hangover Research Group, scientifique-en-chef.gouv.qc.ca, Wired, National Library of Medicine, The Washington Post, Le Soleil, Science et Avenir, Educ’alcool, canadaensante.gc.ca, Radio Canada

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